Jean sans Terre aborde...Troisième version
Jean sans Terre aborde au dernier Port
Troisième version
à Claire sans Lune
Jean Sans Terre sur un bateau sans quille
Ayant battu les mers sans horizon
Débarque un jour sans aube au port sans ville
Et frappe à quelque porte sans maison
Il reconnaît cette femme sans figure
Se décoiffant dans un miroir sans tain
Ce lit sans draps ces baisers sans murmure
Et ce facile amour sans lendemain
Il reconnaît ses trirèmes sans rames
Ces bricks sans mâts ces steamers sans vapeur
Ses rues sans bars ses fenêtres sans femme
Ces nuits sans sommeil et ces docks sans peur
Mais il passe inconnu devant ses frères
Il ne voit point ses jeunes soeurs pâlir
L'herbe ne tremble pas dans le pré de son père
Qu'elle est cette cité sans souvenir ?
Dans le jardin sans arbre aucune grille
Ne l'empêche de cueillir le jet d'eau
Qu'il va offrir à cette triste fille
Qui se pendit pour l'avoir aimé trop
Quel est ce boulevard sans dieux à vendre ?
Ce crépuscule sans accouplements ?
Ce réverbère étouffé par ses cendres ?
Cette horloge laissant pourrir le temps ?
Alors pourquoi ces jonques ces tartanes
Chargés de fûts sans vin de Christ sont croix
De sac sans riz de danses sans gitanes
De citrons sans vertus d'acier sans poids ?
Pourquoi ces quais sont-ils sans un navire ?
Ces bois sans étincelles ses stocks
Sans douane et ces bars sans délire ?
Seule la mer travaille dans les docks !
Quel est ce port où nul bateau n'aborde ?
Quel est ce sombre cap sans continent ?
Quel est ce phare sans miséricorde ?
Quel est ce passager sans châtiment ?
JST Seghers 1957 p.186/187