Recueil de la Vie et de la Mort 1927
Poèmes de la Vie et de la Mort 1927, Jean Budry , Paris II/75
Ivan à Claire :
Moi je chante la Vie
Moi je chante la Vie
Car elle érige pour ma gloire
L'Arc de triomphe de tes jambes !
Elle actionne la dynamo
Qui pompe imperturbablement
Ton sang : plasma et ambroisie .
C'est elle qui produit
Avec l'huile de tes cheveux
L'essence de lilas que tous les parfumeurs m'envient .
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.27) II/93
La vie me rend prospère
La vie me rend prospère
Je possède des terrains aurifères
Du Cap des omoplates jusqu'au Delta rose !
Je filme et revends ton sourire,
Et quand tu dors, j'écoute
Les secrets que Junon te dicte
dans tes rêves !
Quoi !
toi qui m'as fait milliardaire
Et le Roi de l'Amour,
Tu voudrais maintenant mourir et me ruiner ?
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.28) II/93
Non je ne veux pas mourir
Non je ne veux pas mourir,
Dans aucun ciel je ne retrouverai
Le bleu rare de ton sourire,
Aucun enfer ne me reproduira
Le rouge de tes boucles,
Je n'attends rien au-delà de tes lèvres !
Et si un soir
Le cadenas de la mort les fermait,
J'ai un baiser entre mes dents
Qui plus fort que la mélinite,
Les ferait exploser et rire
Eternellement !
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.29) II/94
Il nous faut vivre encore
Il nous faut vivre encore
Puisque nous avons notre corps
Tendu droit vers les cieux !
Nous avons un devoir comme le noir cyprès
D'atteindre toujours de plus près
A Dieu !
Impossible, enfant faible, de se dérober,
Si las qu'on soit !
Toi qui as des jacinthes sous les seins,
Toi que les roses reconnaissent
A cette incurable tristesse,
Et que les gazelles envient
Parce que jamais elles ne sourient ....
Résigne-toi encore un peu
A être heureuse !
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.30) II/94
Au mois d'amour
Au mois d'amour
Le vieux vent asthmatique
Repeint à neuf les petites pervenches
Qui habitent le bois depuis trente mille ans,
Il brise les vitres du lac
Où les carpes ont vécu sous scellés.
Dans les buissons ardents Dieu reparaît,
Des fiers glaciers descend l'éternité.
Oh je sui sûr , ma bien-aimée,
Il ne peut rien nous arriver,
Notre sourire
Ressuscite la vie,
Notre sourire
Fera mourir la mort.
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.31) II/101
Pourquoi attendre que la terre noire
Pourquoi attendre que la terre noire
Cisèle nos profils !
L'éternité est seule
Dans ton rire qui fuse !
Je ne crois plus au silence des pierres :
Je crois aux rossignols qui imitent ta voix,
Aux antilopes qui copient tes pas,
Les tournesols sont les horloges du bonheur,
Et cet unique crépuscule
Où les dieux mêmes devinrent jaloux
D'un baiser fait de miel et d'électricité,
Vaut plus que les siècles des siècles !
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.32) II/96
39 degrés
39 degrés
Un carnaval de fièvre et d'écarlate
Eclate dans ta tête,
Une fête intense s'y déroule,
Des ombres enflammées t'embrassent,
Les dieux ivres t'emportent
Vers les monts de la mort !
Et moi, dans ma prison de chair,
Souffrant d'une santé normale
Dans le froid quotidien,
Captif derrière les barreaux de la pluie
J'assiste à ton orgie,
Comme devant une baraque de mystère
Un pauvre, les pieds dans la boue.
Tu ne me connais plus,
Enguirlandée de rêves,
Couronnée d'aspirines et d'étoiles,
Au bal des géants et des nains :
Déjà grosse d'un démiurge,
Peut-être me méprises-tu,
Moi qui veux que tu vives et prennes ce tilleul.
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.33) II/102
Tu ne me connais plus
Enguirlandée de rêves,
Couronnée d'aspirine et d'étoiles
Au bal des géants et des nains :
Déjà grosse d'un démiurge !
Peut-être me méprises-tu,
Moi qui veux que tu vives et prennes ce tilleul .
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.34) II/102
Attends! Attends!
Attends ! Attends !
Ne t'en vas pas si seule dans la nuit,
Le grand manteau de vent ne te suffira pas,
Et tes mains blanchiront encore au chlore de lune....
Ecoute ! Ecoute
La plainte bleue des violettes,
Et les conseils des pierres
Qui savent que la mort est inutile !
Où donc fuis-tu
Un sanglot chaud pressé sur la poitrine ?
Prends ma main rouge et volontaire
Aux cinq doigts comme une étoile de chair,
La main de ma vie qui fait bien un peu mal
Mais qui cache le vide des ciels et des terres.
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.35) II/103
J'ai de l'amour à tous les doigts
J'ai de l'amour à tous les doigts
Et de l'amour dans chaque son de voix,
Mes millions de cheveux s'ondulent par amour,
Et mes globules rouges tournoient au rythme d'amour .
Que je pense,
Que je danse,
C'est par amour !
Au Pôle Nord,
Sous l'Equateur,
Mon pouls bat au même degré d'amour !
Est-ce un sens divin,
Est-ce une maladie ?
J'ai la cataracte d'amour que nul oculiste n'opère !
Mes yeux ne voient que toi,
Où je les pose
Surgit ton effigie,
Et je projette ton profil
Comme des timbres lumineux d'amour !
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.36) II/103
Un poème pour chacune de tes rides
Un poème pour chacune de tes rides,
Un poème pour le nuage d'acide carbonique
Qu'à chaque baiser tes lèvres expirent.
Pourtant je ne sais rien des orages rouges
Qui grondent dans les tunnels de ton être,
Rien des naufrages dans tes veines,
Rien des présences surréelles
Quand Dieu t'habite !
Sous ton crâne calcaire
Que je connais moins bien que le Cervin,
Quels éblouissements, quels crimes, quels amours
Se cachent,
Que même après la mort
Je n'hériterai point !
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.37) II/96
Comme il est défendu de fixer le soleil
Comme il est défendu de fixer le soleil
Sans devenir aveugle,
A te regarder je me suis crevé les yeux !
Et j'ai perdu le sens de l'équilibre,
J'ai oublié le nom de Dieu,
Je trahirai l'humanité !
Ton œil a remplacé la lune,
Immense et hypnotique,
Il me guette toute la nuit !
Derrière tes seins blonds
Ont disparu la Terre et le Soleil,
Je suis au bout des horizons ...
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.38) II/98
Lorsque tu me regardes
Lorsque tu me regardes,
Je suis enveloppé d'une nuée de gloire,
Le plus beau, le plus grand, le plus intelligent des hommes,
Fort comme un aurochs, fier comme un transatlantique !
Mais dès que tu détournes le regard
Comme un soleil qui trop tôt s'est couché
Je redeviens l'individu caduc,
Chapeau melon dînant pour quatre francs cinquante,
Ombre parmi les ombres,
Que chassent les saisons
Jusqu'à la proche tombe .
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.39) II/98
Fille des nuits entremetteuses
Fille des nuits entremetteuses,
De la famille des anges
Et bru des ombres !
Tous les jours, le soleil et moi,
Une heure avant chaque réveil,
Nous préparons le monde pour te recevoir !
Une heure avant chaque réveil
Nous astiquons les cuivres de la ville,
Nous frottons les vitraux du ciel,
Nous cirons le parquet des routes brunes,
Nous agitons les plumeaux d'arbres tendres
Et nous sonnons les cloches
De l'église et des perce-neige,
Enfin nous remontons le merle à ta fenêtre
Qui te réveille .
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.40) II/100
J'ai employé toutes mes nuits à te …
J'ai employé toutes mes nuits à te connaître
Tel un savant qui fabrique de l'or
Ou qui fait l'inventaire des étoiles .
Egyptologue,
J'ai déchiffré les hiéroglyphes dans tes mains
Et les constellations magiques de tes yeux .
Navigateur, j'ai contourné l'île flambante de ton cœur
Et j'ai planté le drapeau de l'Amour
Sur le glacier de tes tempes arctiques .
(Poèmes de la Vie et de la Mort: I à C p.41) II/100
(Poèmes de la Vie et de la Mort p.41) II/100
Claire à Ivan
J'attends notre mort (Poèmes de la Vie et de la Mort p.9) II/77
Je voudrais jouer à mourir avec toi (Poèmes de la Vie et de la Mort p.10) II/78
Ne serai-je au moins plus jalouse dans la tombe (Poèmes de la V et de la M p.11) II/78
Autrefois tu chantais mon nom (Poèmes de la Vie et de la Mort p.12) II/80
Déchire-moi en mille morceaux (Poèmes de la Vie et de la Mort p.13) II/80
Au printemps je rechercherai l'insomnie (Poèmes de la Vie et de la Mort p.14) II/92
Voici dix ans que tu m'aimes (P de la Vie et de la Mort p.15) II/82
J'aurai un cercueil surélevé (Poèmes de la Vie et de la Mort p.16) II/82
A qui légueras-tu ton ombre de velours (Poèmes de la Vie et de la Mort p.17) II/84
Dans notre tombe mes cheveux (Poèmes de la Vie et de la Mort p.18) II/84
Dans cent ans tu me tromperas (Poèmes de la Vie et de la Mort p.19) II/86
Quand je serai morte (Poèmes de la Vie et de la Mort p.20) II/88
Viendront les roses pleureuses (Poèmes de la Vie et de la Mort p.22) II/90