Poèmes de Jalousie 1926
Ivan à Claire
Orphée charma les panthères timides
Les loutres de velours
Les autruches hystériques
Les baleines à quatre étages
Les ibis
Les lézard naïfs
Mais toi, fauve entre toutes,
Par quelle poésie
Te toucherai-je ?
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.32 ) II/63
Ah! que m'échappes-tu ,
Infidèle vers les pays de fièvre !
Tes pas ont fondu dans la neige,
Des lambeaux de ton âme saignent dans les arbres.
Quel dieu vorace a passé par là ?
Tu brûles !
As-tu frôlé une étoile de trop près ?
Ta bouche vogue , barque sans retour,
Tes mots ne me retrouvent plus …
Je te tiens toute,
Moite, ivre, ouverte,
Et rien de toi
Ne m'appartient !
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.32 ) II/64
J'ai attendu pendant trente ans,
Pour te voir passer dans le ciel,
Assombrir le soleil
Et signifier à Dieu qu'il peut se retirer !
J'ai attendu au coin de tous les squares
Pendant une vaine jeunesse
Car je savais qu'à ton passage
Les longues rues toujours tournées au nord
Verraient enfin aussi l'aurore,
Les chiens tristes viendraient lécher tes pieds,
De mes épaules enfin tomberaient
Mes trente automnes pluvieux……
Viens !
Car je n'attendrai plus que le prochain tramway.
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.33 ) II/64
Dans cent ans les jets d'eau te pleureront encore,
Et les corbeaux ne seront pas moins noirs,
Les soirées broderont de la mélancolie,
Car dans cent ans tu seras morte !
Mais nul ne saura plus que c'est ton âme
Qui grise encore le printemps,
Que tu es trèfle
Bégonia
Brise au parfum de fraise,
Que c'est ton immortel amour
Qui encore inspire les dieux.
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.34 ) II/66
Que tu es belle !
Dans l'arbre rouge de tes veines
Sont perchés mes oiseaux de rêve,
Et ton aorte
Est le grand fleuve du destin.
Tes poumons sont des aigles aux ailes déployées .
Sur le lac courbe de ton cœur
Des barques passent chargées de chagrin,
Se mirant dans un profond vide.
Belle entre toutes ,
Voici ta tête !
Chrysanthème teint au henné,
Droit sur sa tige vertébrale .
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.35 ) II/72
Effeuille donc les camélias
De tes seins pâles !
Teins tes cheveux au gré des passions,
Noirs pour l'orage, rouges pour l'amour !
Et que tes yeux soient assortis
Aux colliers d'astres
Que t'offrent les dieux millionnaires !
Pour moi, tu restes immuable
Dans une goutte de ton sang :
Je cultive un milliard de tes bacilles,
Journellement au microscope
J'en observe les constellations.
La nuit, ils crient comme un champ de cigales
Claire, Claire, Claire, Claire, Claire !
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.36 ) II/66
Les lacs reproduiront le négatif de ton portrait,
Les oiseaux apprendront ta voix,
Je planterai tes cheveux dans les prés,
Pour moderniser la nature.
Tes dents seront les seules pierres précieuses
Au cou des femmes.
Le léguerai à l'Atlantique
Les derniers modèles de conques : tes oreilles !
Et je couperai tes deux mains,
Pour les faire sécher
Comme des étoiles de mer.
Ton cœur,
Conservé dans l'alcool,
Ornera ma commode.
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.37 ) II/72
Dès que tu dors,
Je développe au bromure de lune
Les films verts de tes yeux.
Et ta journée recommence à rebours !
Je vois sur le mur de la nuit
Passer les cent visages
De ton amant trop beau,
Je tourne vos baisers perdus,
Vos étreintes irréparables,
Je vis ta vie tandis que tu la rêves
Mais je ne t'étranglerai point :
Je veux te voir mourir cent fois par jour .
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.38 ) II/68
Toute femme est un recommencement
Chaque sein blanc une cime plus haute
Vers notre perfection.
Je brisai dans la nacre d'autres ventres
Les perles rares des nombrils
Et t'en fis un collier.
Dans les forêts multicolores des cheveux
J'apprivoisai les cobras et les aigles
Pour ta garde.
Avec les cris de mille nuits perdues
Je t'ai composé ce poème :
Pourquoi te plaindre,
Femme unique aux cent coeurs,
Eves, Maries, Germaines,
C'est toi, c'est toi, c'est toi !
( Poèmes de Jalousie, Ivan à Claire p.39 ) II/68
A chaque arrêt facultatif
Je monte dans les autobus,
Pour t'y trouver.
Je vais à tous les rendez-vous
Que Paris fixe entre cinq et sept heures,
Et dans tous les hôtels meublés
Tu as ta chambre embaumée de lilas. Car tu es si multiple
Ton sourire est si innombrable :
Dans chaque femme de printemps
Je te trouve et je t'embrasse
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.40 ) II/73
Dans la mer calme de tes yeux
Je jette mes filets,
Pour y pêcher les turbots bleus d'espoir,
Les saumons de l'aurore,
Le varech pour nous enchaîner,
Mais parfois la tempête
Ouvre tes glauques profondeurs
Et dans la vase de ton cœur
Je vois les pieuvres roses,
Les lunes brisées,
Et le squelette blanc de ton amant.
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.41 ) II/73
Je porte comme un tatouage
Ton sourire sur mes paupières.
Sur mes lèvres sont peints
Chacun de tes baisers.
L'acide de tes larmes
A défraîchi mes cols.
Et tes lettres immenses
Remplissent mes complets.
Immunisé
Contre tous les regards
Comment veux-tu,
Que d'autres femmes m'aiment !
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.42 ) II/70
Tu as quitté le domicile de l'amour
Et maintenant le vent claque les portes
De mon cœur mal fermé :
Entre qui veut !
Je te trompe avec la douleur,
Qui me montre ses vieux seins blets.
La solitude approche
Et passe sa main dégantée
Dans mes cheveux.
Je couche avec la maladie,
Et j'ai fait appeler la mort.
Vienne qui veut,
La clef est sur mon cœur
( Poèmes de Jalousie, Ivan à Claire p.43 ) II/74
Reviens :
J'inventerai une cinquième saison pour nous seuls,
Où les huîtres auront des ailes,
Où les oiseaux chanteront du Stravinsky
Et les hespérides en or
Mûriront aux figuiers
Je changerai tous les calendriers,
Où manqueront les dates de tes anciens rendez-vous,
Et sur les cartes de l'Europe
J'effacerai les routes de tes fuites.
Reviens :
Le monde renaîtra
Les boussole auront un nouveau Nord
Ton coeur !
( Poèmes de Jalousie 1926, Ivan à Claire p.44 ) II/70
Claire à Yvan
Je pleure dans la Seine depuis deux mois ( Poèmes de Jalousie 1926, C à I p.11) II/51
Tu ne me vois plus ( Poèmes de Jalousie 1926, C à I p.12 ) II/52
Que la mauvaise herbe pousse sous tes pas (Poèmes de Jalousie 1926, C à I p.13) II/60
Alors la marée se retirera dans tes yeux ( Poèmes de Jalousie 1926, C à I p.14 ) II/60
Je suis jalouse de la rue ( Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.15 ) II/52
Lorsque j'ouvre ton pneumatique ( Poèmes de Jalousie 1926, C à I p.16 ) II/61
Depuis que tu m'as quittée ( Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.17 ) II/54
Tu étais la Colonne Vendôme ( Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.18 ) II/54
Je me promène sous un parachute blanc ( Poèmes de Jalousie 1926, C à I p.19 ) II/61
Ah! rire encore comme les framboisiers ( Poèmes de Jalousie 1926, C à I p.20 ) II/56
J'attends toute ma vie au téléphone (Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.21) II/56
C'est le printemps ( Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.22 ) II/58
Tu as cambriolé mon amour ( Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.23 ) II/62
L'express qui t'emportait ( Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.24 ) II/62
J'avais tout perdu ( Poèmes de Jalousie 1926, Claire à Ivan p.25 ) II/58