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Poèmes Yvan Goll
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5 décembre 2008

Recueil Multiple Femme 1956

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Multiple Femme 1956 au complet

 

Multiple Femme I

 

Pourquoi n'es-tu jamais seule avec moi

Femme profonde, plus profonde que l'abîme

Où s'attardent les sources du passé

 

Tes mères inconnues, avec des gestes rouges

Discutent notre amour dans la forêt publique

Sur les gradins de leurs villes détruites

 

Et derrière les portes de ton cœur

On entend des géants monter

Vers le règne absolu de l'homme

 

Entends-tu ma voix qui chante ton prénom

Au dehors d'une oreille

Habitée d'océans immémoriaux ?

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.9) II/277

 

Liammala

 

Liammala

A peine pensée

Par sa rosée en fuite

Mouche complète aux antennes vertes

Aux yeux blancs qui craignent

La puissance métallique de la déesse Faal

 

Vole, mon vertige

Vole ta volute

O mille fois plus convoitée que moi

Par la mort fortifiante

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.10 )  II/278

 

Chrome 

 

Descends aux durs été de chrome

Etés inextinguibles Extases inassouvies

J'ai soupesé le feu lourd

Dans ma paume de soie

J'ai caressé le feu malheureux

D'avoir brûlé ses plumes bleues et jaunes

 

Je suis descendu plus avant

Palier par palier

Dans sa souffrance capitale

Dans son opacité d'aveugle

Tombeau de feu

 

O chrome

Où donc s'attarde ton amoureuse chute ?

Où donc t'attend la fébrile source Ollor ?

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.11) II/278

 

 

La Plaie

 

Un mot à peine pensé : c'est frapper une plaie

Dans la chaux vive du mur

C'est répandre le sang sur une tête d'enfant

C'est priver d'innocence

Cette montagne qui ignorait l'écho

 

Un seul mot jeté dans la balance du monde

C'est insulter le volcan

C'est faire déborder le lac

Qui s'apprêtait à regarder en face le Dieu

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.12) II/280

 

 

Marché Noir 

 

L'alcool jaune de la folie emplit les plus anciens étangs

L'aigle au duvet pouilleux souffre de l'affront de la faim

 

 Et la terre humiliée

 N'a que la profondeur des tombes

 

Quel pêcheur me vendra le poisson de chimère ?

Quel boulanger cuira mon dernier pain ?

 

 La nuit la femme passe à son amant

 La peur qui dormait sur son sein

 

J'ai vu le monôme des rois dans la Rue Basse

Alphonse Edouard Carol Humbert et les quatre rois du jeu de cartes

 

 Jeter leur couronne rouillée

 A la vieille ferraille

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.13) II/280

 

 

MON CORPS MA TOMBE

 

Mon Corps ma Tombe

Où sèchent des oiseaux avant leur chute

Où tout le sang répandu par un coq

Ne fait point une aurore

 

Mon Corps mon Mur

Qui me sépare des eaux savantes

Il se passe d'étranges métamorphoses

En moi sans moi

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.14)  II/282

 

 

Oseille 

 

J'ai mis mes oeillères d'oseille

Pour me nourrir de terre noire

Pour mieux humer l'ozone

Charrier un sang plus vert

Que chair de bégonia muscle de géranium

 

Je m'enoseille

Je convertis le carburant soleil

En liqueur à mouches en émeraude à vent

J'ai fermé mes paupières d'oiseau

Pour mieux voir pour mieux sentir

Le secret de la terre

 

Penseur je me dépense

Je vous dis adieu : nuages bronzes désespoirs

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.15)  II/282

 

 

Course de Fond

 

Tandis que la main de ma montre pointe vers la mort

L'hélice du navire a fait l'amour avec combien de vagues

Et la roue du cycliste s'est accrochée à la roue du soleil

Le sable rose de ma vie tombe dans le vide

Le chant de mon cœur fait en vain le tour de la pitié

 

Je n'en peux plus Je lâche prise

La Terre a une trop grande avance sur moi

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.16) II/284

 

 

Ur et Sichem Calcinés

 

Plus de bornes pour l'espoir . Fauchés tous les arbres

Le lasso des routes se ferme sur le vent .

 

Calcinés Ur et Sichem . Paris moins que cendres,

Eclair pressenti de ton silence .

 

Rares les regards qui osent frôler l'évidence

Plus d'issue pour mes raisons . O vide ganté de gloire !

 

Durcis ma prunelle pour soutenir l'innommable,

Mes yeux assiégés par les terreurs d'avant toi.

 

Je te voyais descendre des marches à venir,

Mais l'œil des nomades dit : Maintenant .

 

Un lambeau de soleil tremble dans ton sourire.

Mon visage te soutient d'un vieux reste d'amour.

 

Tu viens de bien plus profond que nos domaines.

Je te ris de bien plus loin que mes larmes.

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.17) II/284

 

 

Faal

 

De notre balcon de Choesroes

Nous regardons la jeune lune

Chasser le soleil fatigué dans sa tanière

 

Les fleurs bleuissent et se fanent

Les poissons meurent

Nourris de nos pêchés

 

Je tiens ta main d'ivoire

Les irradiations de la lune

L'ont changée en une branche de corail

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.18) II/286

 

 

Le Balcon d'or d'Ihpétonga 

 

Laissons partir à tout jamais le grand bateau

Qui reviendra quand cette vitre

Sera brisée en rides centrifuges

Et l'œil derrière la vitre

Plus tari qu'un raisin sec

 

Il reviendra le bateau chargé de pistaches

Et d'épices tropicales

Et le mécanicien cherchera la vitre brûlante

Pour la montrer à la Portoricaine

 

Mais ce soir-là elle sera noire

Remplie de mort

Plus rien qu'un trou béant dans la brique

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.19) II/286

 

 

 

La Ville de Hor

 

Voici la Ville de Hor

Dont j'ai connu l'odeur de soufre

Avant d'y naître

 

J'ai disséqué les chairs orange de l'aurore

Avant d'en faire ma femme

 

A midi toute les Tours entremêlaient

Leurs cheveux de seigle car la campagne

Nous était favorable

 

Il y avait des coqs il y avait des corneilles

Qui nous aidaient à lire les signes du sang

 

Je suivais tantôt les cortèges blancs tantôt les noirs

Car les jours se succédaient

Mais les années brisaient leurs anneaux

 

Il y avait des incendies dans la Ville de Hor

De grandes fleurs jaunes dans les jardins publics

 

Bientôt une autre aurore se mit à disséquer mes chairs groseille

Avant d'ouvrir les portes de l'Hôpital

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.20 ) II/288

 

 

 

L'oiseau-Dieu 

 

Les métaux et les herbes de ton alchimie

Sont la substance de mes jours

Vécus sur ton étoile neuve

 

J'habite ta montagne rose

L'or que j'y mine nuitamment

N'est pas celui des philosophes

 

Les baobabs ont le temps de mourir

Et les aigles de naître dans leurs nids

Tandis que notre amour mûrit comme un orage

 

Après nous  sur l'eau calme

Chantera l'oiseau-dieu

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.21 ) II/290

 

 

 

Pourquoi ne te perçois-je

 

Malgré mes mille miroirs mes mille yeux

Pourquoi ne te perçois-je

Qu'à travers les barreaux de l'écriture

Dans la prison du triangle dans la perpétuité du cercle

Où dans le désert de la page blanche ?

 

Je mange l'œuf et l'aile de l'aigle

Mais je ne m'approprie

Que par le Mot

Ce qui m'échappe

Par la passoire des cils et des mains

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.22 ) II/292

 

 

 

SOLLUNE

 

Femme anti-femme

Remonte de ton âge occulte

Pour établir ton double règne

 

De tes deux seins

Verse les deux principes

Lait rouge de la force

Vin blanc de la faiblesse

 

Androgyne Sollune

Beau corps de citronnier

Fleur à l'oreille droit

Fruit à la hanche gauche

 

Pour l'amour du néant

Au jeu de l'écarté

Epouse et trompe le Moi-Monde

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.23 ) II/292

 

 

Lilith

 

T'avions-nous oubliée, Matriarche

Ecuyère du manège du monde

Enfourchant le cheval du vent

Et dirigeant d'un seul élan des cuisses

Le cours des ellipses fatales

 

Les soleils obéissent et bondissent autour de toi

Le frisson centrifuge

Rompt jusqu'à la matrice du diamant

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.24 ) II/294

 

 

Tristesse Penthésiléenne

 

Tristesse Penthésiléenne

Oh l'outrageante royauté

De ce sein solitaire

Qui sous l'armure des victoires

Ne tourne plus Ne livre plus

Son lait vert qui sûrit

Son cœur vert qui survit

A sa réalité

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.25 ) II/294

 

 

 

Baala I

 

En toi je tâte la loutre

L'eau fragile qui ruisselle

De mon souvenir de loutre

Une eau claire mais vite disparue

Avant d'avoir dit ton nom

 

En toi j'aime manger le feu

Qui dort au cœur du tigre

Et dont je caresse les langues bleues et jaunes

 

Or tu ne m'aimerais pas

Si je n'avais pas mes mains de sel

Mes mains de mer qui ont la cruauté

De la vague avilissante

Mes mains que tu connais bien

Et que je ne connais pas moi-même

Que je me coupe si je les regarde

Mes mains aux sinuosités de sable

Mes mains affamées comme des hirondelles

Mes mains ces éventails menteurs

Mes mains bénies de cette poussière mordorée

Qui attire les phalènes

Et qui ont au bout des doigts

L'huile de la perfection

 

 ( Multiple Femme , Caractères 1956 p.26 ) II/296

 

 

Baala II

 

C'est toi qu'attendaient les herbes savantes

Et les onyx mystiques

Femme-oiseau d'ultra-monde

Les deux hélices de tes seins

Tournant à toute démence

 

Viens habiter mon corps-cage

Ma chair veut plaire à ton palais

Comme du pain bien doré

 

Suis-je ta Tour ou ton Jardin ?

Tous les amours me brûlent

Jeune Viracocha ou Vieillard du Zohar

 

( Multiple Femme, 1956 p.27 ) II/298

 

 

Ton corps

 

Ton corps que j'avais allumé pour mon bûcher

Ton corps bien clos comme une glacière

Où je conservais mon feu vivant

En l'ouvrant après une courte absence en moi

Je le trouvais rempli de dangers

Derrière la porte de ton cri

Se cachait le meurtrier à la main de plâtre

 

Dans les galeries de tes dents

Des loups des loups riaient à la mort

Je montais plus haut

Hélas les locustes du désir avaient rongé

Les fruits de tes yeux

Et les cigales de nos étés

Scié la branche du pardon

 

( Multiple Femme, 1956 p.28 )II/290

 

 

 

Femme aux yeux innombrables

 

La nuit sous tes paupières fermées

Me regardent tes yeux de mica

Tes yeux de voyante

 

Je ne suis jamais certain de ma solitude

Tes yeux portés par les phalènes

Se posent sur moi et scrutent mon rêve

 

Ma femme d'extrême lucidité

Fulgurante comme le quartz

A travers mes sommeils

 

( Multiple-Femme , Caractères 1956 p.29) II/298

 

 

 

SUR LA MER DU SOMMEIL 

 

Sur la mer du sommeil

Ta cuisse est le modèle de toutes les vagues

Roulant vers les passés futurs

 

A la mesure de ton souffle

La vague universelle

Respire et meurt

 

Cousine des cyclades

Filleule de la grande Anadyomène

Fais-moi perdre ce visage d'homme

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.30 ) II/300

 

 

 

ES-TU REELLE

 

Es-tu réelle ? Toi qui me regardes

D'un feu bleu qui ne me voit pas

 

Plus je t'approche, plus tu sombres

Au ravin des préexistences

 

Les forges clandestines de ton cœur

Trempent des armes contre moi

 

Viendront les pluies de solitude

Où la forêt émoussera ton cœur

 

Ta chair de rose — tes cheveux d'oiseau 

Ta voix de source : adorée, où es-tu ?

 

 ( Multiple Femme , Caractères 1956 p.31 ) II/300

 

 

 

NOUVELLE CONSTELLATION 

 

Chaque minuit je me réveille

De nouveau seul au bord du précipice

La terre a tourné vainement

La mer a laissé sur les sables

Ses conques vides

 

Je te cherche parmi mes joies d'hier

Où es-tu ?

 Où es-tu ?

Le vent prétend qu'il ne t'a pas connue

La source folle a oublié ton nom

 

Soudain, au tableau noir du ciel

Se dessine ta forme sidérale

Nouvelle constellation

La joie d'astronomes futurs

 

  l

  C  a

 i

  r

  e

 

( Multiple Femme , Caractères 1956 p.32 ) II/302

 

 

 

DU NORD AU SUR 

 

Petite Claire au bras du grand Obscur

Couple journellement en fête

Au cœur unique géré par deux têtes

Embrassons-nous du Nord au Sur

 

Brûlons au front le diamant sidéral

Aux lèvres la pulpe garance

Nos poignets encore marqués par les lances

Portent le bracelet d'Aldébaran

 

Si nos genoux sont moulus par la route

Des inlassables solitudes

Et par les sables dévorants du doute

 

Nos quatre pieds libre comme les fers

De l'alezan vainqueur des latitudes

Circonvolent en chantant l'univers

 

(Multiple Femme , Caractères 1956 p.33)  II/304

 

 

 

Femme-forêt

 

Femme-forêt

Forêt-femme

 

Me frôlant de tes foulées de renarde

 

Me nourrissant de tes yeux bleus de peur

Comme les mûres noctambules

 

Ton sang frais de fraise écrasée

Sucre les mots dans ma bouche-brasier

 

Je suis le bourdon mangé par ta rose

Le pluvier bu par la source féroce

 

A tous les Clairs de lune

Substituant ton Clair de Claire

 

( Multiple-Femme , Caractères 1956 p.34) II/304

 

 

 

 

AMOUREUSE! AMOURANTE!

 

 

Ah roseraie de tant d'étés

Où trois cent variations d'aurores

Renouvelaient l'amour le jour

 

Combien d'abeilles exilées

Combien de pluies exorcisées

Dans les rosiers de tes veines

 

Malgré la raison des saisons

Dans la folie de ta chair

L'oiseau-minute chantait chantait

 

Alors que déjà se sculptait

La solitude de ton crâne

Le Paestum dessous la neige

 

La mort submergeait tes vallées

La tristesse ta gorge

La grande cécité tes yeux

 

Amoureuse! Amourante!

 

( Multiple-Femme , Caractères 1956 p.35) II/306

 

 

 

 

DOMPTEUSE DE L'ECLAIR 

 

En vain l'orage a lancé à tes trousses

Ses poumons électriques

 

En vain la peur de la montagne

A fait trembler tes mousselines

 

Cent mille roses de dégâts

Le grand rocher décapité

La maison fendue jusqu'à l'âtre

 

Mais quand l'orage voulut te toucher

O Claire de clairière

Dompteuse de l'éclair

 

Ton cœur de diamant

L'a mis en fuite de son prisme pur

 

( Multiple-Femme , Caractères 1956 p.36 ) II/308

 

 

 

TU ES LE REGARD

 

Tu es le regard qui m'attend du fond des siècles

La pervenche aux yeux sans paupières

Qui me guette à tout printemps

 

Tu es la pierre qui gît

Sur mon chemin depuis les origines

Toujours toujours tournée vers ma venue

Qui se perd dans le soir

 

L'éternelle vallée

Allongée dans l'attente —

Que la montagne enfin s'effondre dans la gentiane !

 

 

( Multiple-Femme , Caractères 1956 p.37 ) II/308

 

 

 

Multiple Femme II 

 

Multiple Femme

Tu n'es jamais seule avec moi

Dans les ruelles de ton être

Tes mères se rassemblent

Discutant notre amour selon leur loi obscure

 

Comme au marché sur la balance d'astres

Pesant la pourpre de mon sang

Tâtant le tissu de ma chair

Elles te dictent le conseil des vieilles

 

Et ton cœur malgré lui

Applique leurs poids et mesures

Pour jauger mon regard

 

 

(Caractères 1956 p.38 ) II/310

 

 FIN

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