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Poèmes Yvan Goll
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30 novembre 2008

Chien de ma mort

Chien de ma mort

Chien rouge assis devant ma porte et veillant sur mes feux

Mangeur de coeurs et de rognons dans les faubourgs de ma détresse

Ta langue chaude une flamme mouillée

Lèche le sel de ma sueur le souffre de ma mort

Chien rouge de ma chair

Happe les rêves qui m'échappent 

Aboie à mes fantômes blancs

Ramène à leur bercail

Toutes mes gazelles voleuses

Et mords l'osselet de l'Ange en déroute

Chien roux venu d'on ne sait d'où devant ma porte

Avec le signe du Voyant entre les yeux

Et cette obéissance aux cercles 

Plus ronds que ceux de mon vautour 

Mais quel est ce vin de groseille jailli de mon corps

Quelle est cette morsure bienfaitrice 

Qui se transforme en tulipe parlante

En bulbe enceint de la parabole

D'où montera l'Arbre transfiguré ?

Dans la nuit batik de l'iode

Des marais pétrolifères de l'oeil

S'élèvent les sphères du sephiroth

Tournent les dix fruits de lumière

Le chien m'a prévenu

Il a vu de ses yeux chiffrés

Le triangle brisé

Dans mon front d'accusé

Il a vu se fermer les paupières d'Hélène et les roses de Rhoswita

Et le dégel des neiges dans les faubourgs de ma face

Et c'est alors qu'il a mordu

Et qu'il a bu mes cinq litres de sang

Langue plus râpeuse que l'ortie blanche

Et sans fraternité pour les cressons

Dans les arcanes de ses peurs

J'ai haï sa fidélité de pauvre fou

Son rire orcain

L'oiseau de cendre chantait dans le soir

Tandis que sous ses crocs craquait l'os de ma Croix

Masques de Cendre , Editions Hémisphères, Paris juin 1949

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