Chien de ma mort
Chien de ma mort
Chien rouge assis devant ma porte et veillant sur mes feux
Mangeur de coeurs et de rognons dans les faubourgs de ma détresse
Ta langue chaude une flamme mouillée
Lèche le sel de ma sueur le souffre de ma mort
Chien rouge de ma chair
Happe les rêves qui m'échappent
Aboie à mes fantômes blancs
Ramène à leur bercail
Toutes mes gazelles voleuses
Et mords l'osselet de l'Ange en déroute
Chien roux venu d'on ne sait d'où devant ma porte
Avec le signe du Voyant entre les yeux
Et cette obéissance aux cercles
Plus ronds que ceux de mon vautour
Mais quel est ce vin de groseille jailli de mon corps
Quelle est cette morsure bienfaitrice
Qui se transforme en tulipe parlante
En bulbe enceint de la parabole
D'où montera l'Arbre transfiguré ?
Dans la nuit batik de l'iode
Des marais pétrolifères de l'oeil
S'élèvent les sphères du sephiroth
Tournent les dix fruits de lumière
Le chien m'a prévenu
Il a vu de ses yeux chiffrés
Le triangle brisé
Dans mon front d'accusé
Il a vu se fermer les paupières d'Hélène et les roses de Rhoswita
Et le dégel des neiges dans les faubourgs de ma face
Et c'est alors qu'il a mordu
Et qu'il a bu mes cinq litres de sang
Langue plus râpeuse que l'ortie blanche
Et sans fraternité pour les cressons
Dans les arcanes de ses peurs
J'ai haï sa fidélité de pauvre fou
Son rire orcain
L'oiseau de cendre chantait dans le soir
Tandis que sous ses crocs craquait l'os de ma Croix
Masques de Cendre , Editions Hémisphères, Paris juin 1949