Jean sans Terre appelle les Cyclopes
Jean sans Terre appelle les Cyclopes
Redeviens Cyclope
Frère au front poli
Rebâtis d'Europe
Le rêve aboli
Regarde ! la Terre
A de maigres seins
Mais elle est ta mère
Que son nom soit saint
Noirs jusqu'aux racines
Les arbres déments
Boivent la benzine
En guise de vent
Nuages d'oxydes
Ruisseaux de lysol
Hâtent le suicide
De ce grave sol
Les haleines rances
Et les sangs viciés
Marquent la souffrance
De ce temps d'acier
La misère d'être
Et l'âcre sueur
Aux murs de salpêtre
Imprègnent leur peur
Ecoute les plaintes
Dans les hôpitaux
Espérant la sainte
Voix d'un ex-voto
D'adorables mères
En croix sur le lit
Soignent leurs ulcères
Près des seins de lys
La vérole rôde
Dans les corridors
Mais un baiser d'iode
Fait que tout s'endort
Dans la capitale
Creuse de tunnels
Les hydrocéphales
Bravent l'éternel
Des fleuves de foutre
Vainement giclé
Encrassent les poutres
Et les murs enflés
La nuit se copulent
De tendres époux
Mais la mort crapule
Veille dans leurs poux
Oh il faut que lèvent
Parmi ces purins
Les magiques sèves
De nos souterrains
Il faut des miracles
Des cris enchantés
Des phares qui raclent
Ces hôtels hantés
Versez les pétroles
D'or sur la cité
Et les auréoles
D'électricité
Sur cent mille tonnes
D'âme et de béton
Monte la colonne
Que nous habitons
Et sur les décombres
D'horribles plâtras
Dans la nuit des ombres
L'Homme surgira
Voici l'Homme : admire
Son œil triomphant
La fleur du sourire
Aux lèvres d'enfant
Son pas qui résonne
Dans les parcs de mai
Sa main qui se donne
A qui veut l'aimer
Délivré du doute
Peuple mal aimé
Marche sur la route
De l'esprit armé
Et sous les médailles
D'astres redorés
Suis les funérailles
D'un siècle abhorré
ghers1957 p.46 à 49 III/74
(Deuxième livre de JsT p.18) Seghers1957 pages 46 à 49