Terre de France
Terre de France
France en ta terre tricolore
Décorés du coquelicot
Dorment les soldats de l'aurore
Allongés sous les ypréaux
La terre blanche de farine
La terre verte des vergers
La terre rouges des usines
La terre bleue des potagers
La terre douce des saulaies
La terre dure sous le soc
La terre des oliveraies
La terre d'or la terre d'oc
Terre perdue terre battue
Tous tes chemins s'en sont allés
Toutes les fontaines sont bues
Tous les ruisseaux vitriolés
La honte et l'infamie engraissent
Les truffes noires du remords
Et le charbon de la détresse
S'enfonce au mines de la mort
Terre de France et de souffrance
Ecartelée au point du jour
L'amant t'a versé sa semence
L'ignoble grain de son amour
Derrière tes beaux rideaux d'orge
Où l'alouette aiguisait l'air
N'entendis-tu jamais les forges
De haine où travaillait Fafner ?
France : perverse paysanne
Séduite au coin du Bois Dormant
Le fils de tes amours rhénanes
Vient accomplir ton châtiment
Un jour d'été la vieille aurore
Te trouve dans un bain de sang
Donnant le jour au Minotaure
D'un siècle qui fut innocent
Désormais la terre française
Brûle de transe et de terreur
Son sang fermente dans les fraises
Tous ses fruits moisissent de peur
La pomme surit de colère
La poire blettit de dépit
La nèfle est enceinte de pierres
La grenade a ses coeurs pourris
Le blé gangrené de salpêtre
L'orge miné dans chaque épi
Le seigle a le chancre champêtre
Le froment tourne au vert de gris
O France douce fiancée
Des chevaliers du monde entier
La vieille tour de ta pensée
S'écroule avec ses églantiers
Dans le sang boueux de l'aurore
Dans la pluie du petit matin
Tes colchiques se décolorent
Et l'or de ton casque s'éteint
Terre tu n'es plus que de glèbe
Où l'on découpe les tombeaux
Ces avants-postes de l'Erèbe
Et des délires hivernaux
Jardins des châteaux et chaumières
Tous vos lys tous vos liserons
Le royal et le populaire
Se fanent au vent de l'affront
Venins d'ortie et de jusquiame
Sangs de garance et d'incarnat
Baumes de myrrhe et de dictame
Nul pré qui ne s'empoisonnât
Ton stupre va noircir les houilles
Des siècles jusqu'à l'infini
Et l'ombre de ton profil souille
Le sable pur et le granit
Et dans ta terre tricolore
Décorés du coquelicot
Dorment les soldats de l'aurore
Allongés sous les ypréaux