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Poèmes Yvan Goll
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3 décembre 2008

Terre de France

Terre de France

France en ta terre tricolore

Décorés du coquelicot

Dorment les soldats de l'aurore

Allongés sous les ypréaux

La terre blanche de farine

La terre verte des vergers

La terre rouges des usines

La terre bleue des potagers

La terre douce des saulaies

La terre dure sous le soc

La terre des oliveraies

La terre d'or la terre d'oc

Terre perdue terre battue

Tous tes chemins s'en sont allés

Toutes les fontaines sont bues

Tous les ruisseaux vitriolés

La honte et l'infamie engraissent

Les truffes noires du remords

Et le charbon de la détresse

S'enfonce au mines de la mort

Terre de France et de souffrance

Ecartelée au point du jour

L'amant t'a versé sa semence

L'ignoble grain de son amour

Derrière tes beaux rideaux d'orge

Où l'alouette aiguisait l'air

N'entendis-tu jamais les forges

De haine où travaillait Fafner ?

France : perverse paysanne

Séduite au coin du Bois Dormant

Le fils de tes amours rhénanes

Vient accomplir ton châtiment

Un jour d'été la vieille aurore

Te trouve dans un bain de sang

Donnant le jour au Minotaure

D'un siècle qui fut innocent

Désormais la terre française

Brûle de transe et de terreur

Son sang fermente dans les fraises

Tous ses fruits moisissent de peur

La pomme surit de colère

La poire blettit de dépit

La nèfle est enceinte de pierres

La grenade a ses coeurs pourris

Le blé gangrené de salpêtre

L'orge miné dans chaque épi

Le seigle a le chancre champêtre

Le froment tourne au vert de gris

O France douce fiancée

Des chevaliers du monde entier

La vieille tour de ta pensée

S'écroule avec ses églantiers

Dans le sang boueux de l'aurore

Dans la pluie du petit matin

Tes colchiques se décolorent

Et l'or de ton casque s'éteint

Terre tu n'es plus que de glèbe

Où l'on découpe les tombeaux

Ces avants-postes de l'Erèbe

Et des délires hivernaux

Jardins des châteaux et chaumières

Tous vos lys tous vos liserons

Le royal et le populaire

Se fanent au vent de l'affront

Venins d'ortie et de jusquiame

Sangs de garance et d'incarnat

Baumes de myrrhe et de dictame

Nul pré qui ne s'empoisonnât

Ton stupre va noircir les houilles

Des siècles jusqu'à l'infini

Et l'ombre de ton profil souille

Le sable pur et le granit

Et dans ta terre tricolore

Décorés du coquelicot

Dorment les soldats de l'aurore

Allongés sous les ypréaux

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