Jean sans Terre découvre le Pôle Ouest
Jean sans Terre découvre le Pôle Ouest
Jean Sans Terre emmène les Gens sans Terre
Qui n'auront jamais eu ni porte ni fenêtre
Mais à peine un grabat pour mourir et pour naître
Et la chienne de l'ombre léchant leur misère
Ils s'en vont sur la route millénaire
Montent la maigre rosse de l'espoir
Bouillant de la fièvre jaune du soir
Se nourrissant de lait noir d'herbe amère
Ils quittent la maison trop droite dans la rue athée
Les boutiques d'oubli les usines hantées
L'arbre de la sagesse en fleur
Où sont pendus leurs frères et leur peur
Ils connaissent le code des raisons humaines
Tâtant le boeuf erratique à la queue
Evaluant la pulpe la peau et la graisse
Maintenant par la tempête harassée
Sous la neige de braise et sous le vent du mythe
Pourchassés par les trompettes du Scythe
Et par le blizzard d'yeux trop aiguisés
Jean les emmènent hors du temps et du doute
Hors des cités de fer des tours pharaoniques
Hors des bas-fonds des corridors obliques
Le long des nonchalantes routes
Quand l'ange vieillissant leur montre la colline
Leur offrant la conquête du Pôle Ouest : alors
L'oiseau-lune lance ses plumes d'or
Sur le sommeil des siècles qui s'animent
Les Gens Sans Terre ici fondent Westopolis
Les boutiques d'oubli les usines hantées
Les mêmes maisons droites dans la rue athée
Et l'arbre de sagesse où l'on pend les amis
Jean Sans Terre retourne à l'aube seul vers l'Est
JST Seghers 1957 p.177/178