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Poèmes Yvan Goll
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2 décembre 2008

Jean sans Terre rongé par le Vide

      Jean sans Terre rongé par le Vide 

            (Première version )


Un sans sommeil dans la ville d'amiante

J'errais par les palais détruits du grand oubli

Qui guettait de ses fenêtres démentes

Le retour des amants ensevelis

Mes pas trop mûrs étaient sans résonance

Je marchais dans du sel pas même amer

Mon oreille veuve de souvenance

Etait la conque trahie par sa mer

Je brûlais sous la lumière glaciale

Et je gelais dans mon corset de chaux

J'avais faim à la table de Sardanapale

Et j'étais ivre d'évoquer de l'eau

Je trébuchais aux débris des colonnes

Qui soutenaient jadis le toit du Temps

Parmi tant d'autres seule ma colonne

Vertébrale semblait tenir pourtant

Mon ombre jadis fière et étrangère

Se collait à moi et me consolait

Comme une sœur aux syllabes légères

Et son œil invisible me brûlait

Et je suivais sa belle main de plâtre

Dont le doigt savant pointait vers le nord

Allais-je aimer ce rêve de théâtre

Dont le souffle n'enfante que la mort ?

Un corbeau grave assis sur mes vertèbres

Presque courtois de son bec carnassier

Nettoyait mon thorax de ses ténèbres

Plus habile que le ciseau d'acier

Je connaissais maintenant l'inhumaine

Solitude de l'arbre et du caillou

Et j'allais presque bénir la gangrène

Qui verdissait ma tempe et mon genou

Sous mon veston mon être est aussi vide

Que le désert surpeuplé de terreur

Et la poussière dont je fus s'oxyde

Sous le baiser de lune ensorceleur

Mais au bout de mes mornes galeries

L'aube s'apprête à remplacer le soir

Et fait pousser au bord de mes caries

La rose rédemptrice de l'espoir


[ Jean Sans Terre - Landless John p.12/13 ]    Seghers 1957 p. 22/23   

Version très différente dans « Jean sans Terre nettoyé par le Vide » dans

SEMAPHORE 1945   (15 strophes)

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