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Poèmes Yvan Goll
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2 décembre 2008

Jean sans Terre rencontre Ahasver

      Jean sans Terre rencontre Ahasver


Un jour Jean Sans Terre

Rencontre Ahasver

L'authentique frère

Du vieil univers

Ahasver promène

Son long paletot

De fête en semaine

De temple en ghetto

De New-York au Caire

Il se sent chez lui

Seul propriétaire

De cet aujourd'hui

Puisque Dieu existe

Et qu'il l'a béni

Et que s'il n'existe

Pas : l'homme l'élit

Car en cas de doute

Il vaut mieux prier

La prière coûte

Moins que la pitié

Il aime la terre

Et ses devenirs

Les herbes amères

Du doux repentir

Il aime la carpe

Au vinaigre, au miel

Il aime la harpe

Du rude Ezéchiel

Il aime le rite

Et la liberté

Il aime aller vite

En solennité

Il aime la haine

Le fiel qui surit

Tout ce qui déchaîne

Son plus grand mépris

Il possède un trône

Dans chaque ghetto

Mais il vit d'aumône

Et d'immenses mots

Quand de l'Amazone

Soudain il revient

Dans sa rue personne

Ne lui cache rien

Il est le prophète

Qui connaît l'amour

Mais il l'interprète

Autrement toujours

Il voit de sa plèbe

Au regard honteux

Monter un éphèbe

Très majestueux

Fils de diamantaire

Son œil de diamant

Coupera les pierres

Et l'orgueil des grands

Pour venger des pères

L'incurable ban

Révolutionnaire

Il boira le sang

Sous la porte basse

lentement sa sueur

A la peau trop grasse

Sent mûrir son cœur

Ruth et Rachel vivent

Dans ce pur profil

Toutes les eaux vives

Du Jourdain au Nil

Car son sein prospère

Garde la vertu

Des puissantes mères

Du grand peuple élu

Sous le ciel opaque

Du ghetto maudit

Six-millième Pâques

Tu leur resplendis

Tous sont soeurs et frères

Toujours renaissants

Par la primevère

Du nouveau printemps

Tout un peuple en transe

D'un cri qui sent l'ail

Pour sa délivrance

Appelle Adonaï

Après tant de jeûnes

Ahasver le pieux

Invite le jeune

Jean au vin de Dieu

Il pile l'épice

Il tue l'agneau blond

Joyeux sacrifice

Aux saintes saisons

Le pain de souffrance

L'espoir de l'œuf dur

Tout devient cadence

Chant sanglant et pur

Mais demain encore

L'homme de mille ans

Ira vers Gomorrhe

Porter son tourment

Ainsi Jean sans Terre

Connut Ahasver

Peut-être son frère

Sûrement sa chair

  [ La Chanson de Jean sans Terre p.30 ]   Seghers1957 p.42 à 45

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