Vénus fluviale
Vénus fluviale
O rue de Joie ! Rivière de hanches et de vagues
Emporte, emporte-moi vers le vieux souvenir
Qui a sa source dans les montagnes
O vague toujours là et toujours en allée
Présence menaçante
Du Nocher des enfers
O vague multi-tête ! Saisirai-je ta toison
Comme Persée dans un miroir
Que tes anguilles ne peuvent mordre ?
Je sais que tu n'es pas et tes mille yeux m'aguichent
Amandes d'eau au parfum de pistache
Yoles cers l'infini
Femme que j'adorais : je m'en souviens
Dans le lit de l'Euphrate et du Mississippi
Partout partout où l'homme est sans berceau
Dans les osiers de tes cheveux
Ma jeune mère tricotait comme toi sur le quai des oublis
Maille après maille perdant combien
Et reprenant tout le chandail d'une vie
Emporte-moi ! Emporte-moi ! Vague héraldique
Du fleuve qui s'en va malgré lui
O vague innocente et combien pernicieuse
Ma sœur aux yeux de vitre
Qui prends de tous les feux et ne brûles jamais
Femme-vague entrevue
Dans les porte-tambours qui tournent sans retour
Oui ma mère était comme toi
Tricotant le filet de tous les jours
Jusqu'au soir unique de la mort
Où toutes les mailles s'en vont
Sous un seul mot d'ordre du nord
(Les Géorgiques Parisiennes p.29)