Jean sans Terre prend un bain de sang
Jean sans Terre prend un bain de sang
En marchant dans l'aurore j'éclabousse
De sang les jardins frémissants
Ma tête est pure mais mon ombre est rousse
Et ne frôle que des mares de sang
Je prends un bain de pieds dans la fumante
Marée de pourpre au bord de l'océan
Et dans la mousse de lune amarante
Je viole une Calliope au parfum de sang
Du sang ! Du sang ! Suprême nourriture
La pluie est rouge allaitant nos déserts
La source est rouge qui de nos blessures
Monte vers la lumière de l'enfer
Il pleuvra du sang sur nos cathédrales
Tandis que le la mer rouge montera
L'aile de l'aigle et la flosse du squale
Nous traîneront aux bornes de l'infra
Un taureau rouge en qui le dieu s'incarne
Viendra lécher mon trèfle vert et blanc
Son sang épais viendra grossir nos Marnes
Et poussera nos destins au néant
Je vais humer aux bords des et Villettes
Le liquide dont je fus baptisé
Le vin lourd du boeuf me monte à la tête
Jusqu'à la mort j'en resterai de grisé
Baisant la bouche où mes souvenirs cuvent
Où je m'acharne à endormir le loup
Bouche aussi pernicieuse qu'un Vésuve
Dont nul amour ne peut combler le trou
Ma main de boucher trahira la brute
Qui se cantonne dans mon coeur filou
Sous mon chapeau de sang mon front hirsute
Ne cache plus les débauches du fou
Perdant mon sens de toutes parts ma trace
S'incère dans le sable et dans le vent
Vous connaîtrez le passage fugace
De Jean Sans Terre en son chemin de sang
JST Seghers 1957 p.125/126