Vendanges Inédit Saint-Dié des Vosges 1948
Vendanges
Mon cœur c'est la saison de tes vendanges
Le muscat bleu des collines le poumon rouge des poitrines
Se marient dans les cuves de l'Etna et du Vésuve
Un bon Barbera de barbare se mélange
Un lourd Chianti de volcan embrume tes entrailles
Vieille folle Demeter grapillant tes vignes
Ne pleure plus ta fille : elle est chez les guerriers
Et les tanks dorment dans tes temples encore inachevés
C'est la saison où s'effondrent les villages comme des roses sèches
Et l'artilleur de Wyoming moissonne les oliveraies
Les têtes des héros éclatent comme des tomates
Les tonneaux de sang roulent tout seuls sur la route Appienne
Le vin de liberté est vite monté dans le corps exsangue
Le long des artères calcinées de Calabre
Le moût de septembre allume les laves humaines
Le Lacrima Christi est fait de Sangue Hominis
Voir Naples et mourir ! O glas des mandolines !
Voir les chanteurs napolitains la gorge trouée de balles
Santa Lucia meurt de soif au pied de la vigne
La cendre des bibliothèques assombrit le Vésuve
Mais les plus douces collines s'allument ! Les îles de perle
Deviennent des bûchers de crépuscule
Ils boivent du vin d'aorte dans les faubourgs de Corinthe
Et du vin de sueur dans les cafés dalmates
Tandis que la Corse flambe comme un oléandre en fleurs
Tandis que la Crête allume les sangs de Minotaure
Partout la cigale noire
Danse et chante
Partout la pierre dure et la poussière scintille
Les dieux n'ont pas quitté les péristyles de Paestum
La trace des Jeeps a pourri dans le sable
Un tombeau de fenouil brûle à la mémoire des morts
Et le berger revient après les vendangeurs
La vague des moutons déferle sous les chèvrefeuilles
Sur les pente arides de Patmos
Mûrit l'olivier
Inédit Saint-Dié des Vosges 1948